Vers le digital analytics 4.0 | Analytics
Discipline autrefois réservée aux pionniers d’Internet, le web analytics est devenu une pratique répandue ainsi qu’une source essentielle de données clients pour toutes les entreprises. Ce domaine ne cesse d’évoluer, de se développer et de s’étendre à tout l’écosystème digital. Cette évolution, Neil Mason l’a vécue.
Responsable de la transformation numérique chez Accenture Digital et directeur émérite de la Digital Analytics Association, Neil Mason a exercé le métier d’analyste depuis les tout débuts d’Internet jusqu’à l’ère de l’omnicanal que nous connaissons aujourd’hui. Lors de notre dernier Digital Analytics Forum, il est revenu sur les métamorphoses du métier entre le web analytics 1.0 et le digital analytics 4.0. Découvrez ce qu’il prévoit pour les analystes d’aujourd’hui et de demain.
Petit retour en arrière
Réglons notre DeLorean pour revenir quelques années en arrière. Dans une époque quasiment dépourvue de données digitales. Très peu d’activités online et, surtout, peu d’insights sur les interactions des internautes sur les sites web. Les analystes devaient s’appuyer sur des données offline pour comprendre le comportement des visiteurs.
C’est ce que Neil Mason nomme le digital analytics 1.0. Les données provenaient d’un seul canal (le web) et il n’y avait qu’un type d’outil permettant de les analyser : les outils web analytics (comme la solution d’AT Internet, qui fait jeune pour son âge, mais existait déjà à l’époque…).
« Les données étaient rares et les technologies très rudimentaires. Nous faisions notre possible pour extraire un maximum de valeur des données afin d’aider [les clients] à comprendre le monde dans lequel ils évoluaient et à prendre les bonnes décisions », se souvient Neil Mason. Au bout du compte, ces contraintes ont façonné son approche de l’analytics : tirer des informations exploitables des chiffres.
« À cette époque, l’analyste exerçait un métier de technicien, passant le plus clair de son temps à manipuler les outils et les données plutôt qu’à interpréter les comportements des clients », se rappelle Neil Mason.
« Je me suis dit qu’il y avait un problème le jour où il nous a fallu plus de 25 heures pour traiter les données des dernières 24 heures, confie-t-il en riant. Les choses ne pouvaient pas rester ainsi. Heureusement, à ce moment-là les technologies ont commencé à évoluer. »
La naissance d’un écosystème
Quelques années plus tard, nous entrons dans l’ère des premiers outils de mesure et d’optimisation numériques, notamment les solutions de tests A/B, de tests multivariés et de voice of customer (VOC).
« Nous avons commencé à construire un tout écosystème autour de l’analytics, mais il restait centré sur un seul canal : le web », explique Neil Mason. C’est le digital analytics 2.0 : le perfectionnement des fonctionnalités analytics et l’enrichissement des données confèrent aux analystes un rôle de reporter. Ils cherchent des moyens de rendre ces informations plus faciles à visualiser, à intégrer et à interpréter pour les autres.
Cette période cède vite la place à celle que nous connaissons aujourd’hui : le digital analytics 3.0, marqué selon Neil Mason par une véritable « prolifération » de l’analytics. Les canaux digitaux, les devices des utilisateurs et les points de contact des clients se multiplient, ce qui provoque une explosion des données. Le « web analytics » devient le « digital analytics », du fait de la nécessité de quantifier et de comprendre le comportement des utilisateurs quels que soient les canaux et les devices utilisés. Le rôle de l’analyste ne consiste plus seulement à faire remonter des données web : il analyse différentes sources de données, utilise des technologies plus complexes et de raconte des histoires avec des chiffres.
« Le digital analytics 3.0 est un monde fragmenté et compliqué, mais les outils nous permettent maintenant de maitriser les données et de commencer à tenir la promesse du digital analytics : comprendre comment les consommateurs interagissent et utilisent nos produits et services, et savoir comment mieux répondre à leurs besoins en offrant une meilleure expérience client et utilisateur », affirme Neil Mason.
Nous passons désormais à la vitesse supérieure, sous l’impulsion de l’intelligence artificielle et du Machine Learning. Le changement se profile à l’horizon. Nous sommes à l’aube du digital analytics 4.0.
Le digital analytics de demain
Pour comprendre en quoi consiste le digital analytics 4.0, il faut faire un état des lieux de notre environnement digital et du monde de l’analytics, nous dit Neil Mason.
Côté Digital, nous sommes passés de simples interactions « sur le web » à de nouveaux types d’expériences ininterrompues (assistants vocaux sans interface et montres connectées par exemple). Même le monde physique « offline » se numérise chaque jour davantage (cf. la phygitalisation des magasins physiques et la fusion des expériences clients online-offline), ce qui a pour effet de multiplier les données produites lors du parcours multicanal de l’utilisateur.
« De nouvelles catégories d’analytics, jusque-là inimaginables, commencent à émerger. L’in-store analytics en est un bon exemple, fait remarquer Neil Mason. Ces technologies produisent différents types de données : heatmap du magasin, analyse du parcours client, pic de fréquentation, taux de conversion en boutique…»
Sur le plan de l’analytics, Neil Mason cite la transition du digital analytics descriptif à une forme prédictive ou, plutôt, à un mélange des deux. « Ces deux mondes ne vont pas l’un sans l’autre. Des capacités de prédiction sont intégrées aux technologies digital analytics, et c’est une excellente nouvelle. Je pense que cette tendance ne peut que se poursuivre », ajoute-t-il. Selon lui, les technologies d’intelligence artificielle, de Data Science et de Machine Learning continueront d’alimenter cette évolution jusqu’à l’analytics prescriptif, source de suggestions et de recommandations. « Les implications pour notre secteur sont bien tangibles », affirme-t-il.
L’ère du digital analytics 4.0 nous place dans un monde où des données sont collectées partout et tout le temps, quel que soit le moyen utilisé : site web, application, appareil connecté, capteur ou bien un magasin physique traditionnel. Grâce à l’analytics avancé et à l’intelligence artificielle, il est possible d’aller encore plus loin avec ces données.
Mais quelles en sont les implications pour les analystes ?
« Il devient essentiel de trouver en quoi nous apporterons de valeur dans un monde où une part non négligeable de la production sera assurée par des machines, analyse Neil Mason. Je pense que cette ère ouvre de nouveaux horizons. Pour moi, 2 grandes directions sont possibles : soit les analystes deviendront des architectes, chargés de concevoir ou d’élaborer les machines qui assument la charge de travail, soit ils seront des storytellers. »
Il souligne que le rôle de l’analyste ne sera plus limité à l’analyse de données, l’extraction d’informations et l’élaboration de recommandations, car la technologie s’en chargera déjà de manière automatisée.
Pour Neil Mason, l’analyste de l’ère 4.0 aura pour vocation de s’appuyer sur des insights pour provoquer de vrais changements dans l’entreprise. Le storytelling, ou l’art de mettre en récit les chiffres, est un moyen efficace d’y parvenir : il s’agit de trouver une approche narrative percutante qui persuade les gens d’adopter une autre manière de faire.
« Les histoires sont importantes, parce qu’elles sont faciles à mémoriser, éveillent la curiosité et, surtout, persuadent, affirme Neil Mason. En intégrant l’intelligence émotionnelle humaine à l’intelligence artificielle, il est possible d’aider les gens à réfléchir à la meilleure action possible. »
Comment Neil Mason se positionne-t-il dans cette ère du digital analytics 4.0 ?
« Il est trop tard pour que j’apprenne à coder… personnellement, je vais donc m’attacher à devenir un meilleur narrateur. »
Un grand merci à Neil Mason pour sa contribution à cet article.